Me Moustapha Kamara, un Tambacoundois avocat à Marseille

 

« Il faut associer la population dans la gestion d’un club »

Il est un homme calme mais travailleur. Ce natif de Tambacounda, fait la pluie et le beau temps à Marseille ou il exerce le métier d’avocat. L’homme est aussi un fervent connaisseur du football pour avoir côtoyé de grands noms du football Européens et même mondial comme Pape Diouf ancien Président de l’Olympique de Marseille, Marcel Desailly, Joseph Antoine Bell et le Professeur Yousef Fatès qui a contribué à la mise en place du football professionnel en Algérie etc… Maitre Moustapha Kamara, puisque c’est de lui qu’il s’agit, suit de très près la situation footballistique de sa région natale. Dans l’entretien qu’il nous a accordé, cet ancien footballeur revient largement sur ses origines, son cursus et entre autres temps forts d’un amour qui l’a conduit à l’étranger, loin de son terroir. L’homme à la robe noire se prononce sur les problèmes et solutions possibles pour sortir le ballon de l’eau.

Me Kamara Bonjour! Vous êtes natif de Tambacounda, une ville qui vous a vu grandir. Est ce que cela n’a pas été difficile de quitter cette ville, après un passage à Dakar pour aller poursuivre des études académiques à l’étranger ?

Je suis né à Tambacounda, j’ai grandi dans cette ville et j’y ai effectué toutes mes études du primaire, du secondaire et du lycée. J’ai donc quitté Tamba après mon Baccalauréat. J’habite au quartier Salikéné. Mon père El hadji Amadou Kamara est né dans cette ville et a été enseignant pendant 37 ans dans la région. Ma mère Dioukou Guindo est aussi née à Tambacounda. Toute ma famille vit encore à Tambacounda sauf ma sœur Haby Kamara qui vient de terminer ses études de langues et de finances à l’université de Dakar et dans un institut privé. Mon grand père maternel Ibrahima Guindo est l’un des premiers habitants de la ville. En effet, il a construit la 4e maison de Tambacounda après celles de la famille Ouali, de la famille Diarra, et de la famille Diakité du quartier dépôt. Mon arrière grand père paternel est le grand marabout Alioune Niabaly, fondateur du village de Damantang. Son mausolée se trouve encore au milieu du parc national de Niokolo. C’est dire que je suis un Tambacoundois depuis des générations. Ces familles ainsi que les familles Kaba, Touré, Noba, Dabo, Diaby, Signaté, Cissokho sont les fondateurs de cette ville et constituent en réalité une seule et même famille. C’est dire que j’ai grandi dans une grande solidarité et j’ai toujours le souvenir d’une grande union et d’un grand respect entre les habitants. Quitter un tel cadre de vie, après mon bac, a été très dur. Cela a été d’autant plus dur que je suis allé en Europe où règnent l’individualisme, le chacun pour soi et l’indifférence totale. Mais quand on a des valeurs des gens de l’Est du Sénégal c’est-à-dire des valeurs de courage, de persévérance, de fidélité et de dignité, tous les obstacles peuvent être franchis. Cela est autant plus possible quand on a la bénédiction des parents et des anciens qui, au demeurant, doivent être mis et respectés au premier plan. Avec cette éducation et l’aide de Dieu, j’ai pu obtenir mes diplômes de Doctorat en droit privé à l’université de Reims, un MBA en finances, un DESS en droit des entreprises et mon diplôme d’avocat à l’école de formation des avocats de Paris. J’ai ensuite publié un livre sur « les opérations de transfert des footballeurs professionnels » en 2007 chez l’harmattan. Ce livre a été désigné en 2008 comme la meilleure contribution en droit du sport en France par l’union des clubs professionnels de football. D’ailleurs, je ne suis pas du tout étonné de la réussite des jeunes de ma génération qui sont plus que des amis d’enfance mais des frères, des Tambacoundois comme Wahab Dieng et Idrissa MBow qui sont docteurs en sociologie, Sidi Kane qui est docteur en économie, Ousmane Dia qui est un artiste de renommée internationale et dont l’engagement et l’amour pour notre ville est sans faille, Amath Diouf qui est très engagé et dont ses émissions sont écoutées par toute la diaspora etc…. Ce sont des gens avec qui j’ai grandi et qui sont de dignes représentants du Sénégal et de Tambacounda. On peut y ajouter tous les gens de la diaspora qui se battent jour et nuit pour subvenir aux besoins de leur famille restée à Tamba.

Aujourd’hui, vous êtes avocat au barreau de Marseille, en France ? Qu’est-ce, cela vous fait en tant qu’africain particulièrement sénégalais de plaider pour des Européens, et surtout loin de chez vous ?

C’est vrai qu’aujourd’hui, je suis avocat au Barreau de Marseille. Je suis toujours fier de mettre en avant notre ville Tambacounda chaque fois que je peux le faire. Les gens y compris nos compatriotes sénégalais sont étonnés que je sois originaire de Tamba counda. Mais c’est toujours une grande fierté pour moi car cela démontre qu’on peut être originaire de la région la plus enclavée et certainement la plus déshéritée du Sénégal et du quartier le plus populaire de Tamba counda, en l’occurrence le quartier Salikéné et atteindre les objectifs les plus inaccessibles, à première vue. S’agissant de la profession d’avocat surtout en France, c’est certainement l’une des professions les plus difficiles mais l’une des plus nobles. Elle demande une force de conviction, de persuasion mais surtout de comprendre les codes de la société française dans laquelle on vit et dans laquelle, on défend les gens. Cela suppose aussi de comprendre ou d’essayer de comprendre la psychologie de ses interlocuteurs. Par conséquent, il n’y’ a meilleur métier que d’avocat pour connaître la nature et le comportement humain.

Vous êtes un fervent connaisseur du sport particulièrement le football pour avoir côtoyé et travaillé avec de grands noms du football européens comme Papa Diouf, ancien président de l’Olympique de Marseille et Sega Sakho. Quels sont les grands défis du football africain et solutions ?

Je ne peux pas dire que je suis un grand connaisseur du football professionnel puis qu’on apprend tous les jours. En revanche, j’ai eu la chance de côtoyer et d’avoir des amis qui sont reconnus comme des experts dans le domaine. Des gens comme Pape Diouf, Séga Sakho et son frère le Professeur Abdoulaye Sakho, Saer Seck président du centre Diambars, Aliou Cissé ancien capitaine des lions, Maitres Serge et Michel Pautot qui sont les premiers avocats français à défendre les footballeurs africains notamment Antoine Bell, Thomas Nkono, Marcel Dessailly etc, Maître Augustin Senghor, Garang Coulibaly, le Professeur Youcef Fatès qui a contribué à la mise en place du football professionnel en Algérie etc…

J’ai grandi en outre dans une ambiance familiale où on ne parlait que de football. Le siège du Niani qui était à l’époque en première division se trouvait chez mon grand père maternel à Guindo Counda. Mon oncle Amadou Guindo dit « Grand » a été président de ce club, mes deux autres oncles Djibril et Mamadou Guindo ont été entraîneurs de ce club. Mon oncle Tidiane Guindo a été l’entraîneur de l’équipe de basket sans oublier que j’habitais à Salikéné.

S’agissant des « grands défis du football africain », c’est le titre de mon deuxième livre qui sortira à la fin du mois de juillet 2010 en France et au Sénégal chez Clairafrique. J’y reviendrai plus largement à une autre occasion. Mais pour résumer, on aborde toutes les questions relatives à la gouvernance du sport, au transfert des mineurs, à la protection juridique des footballeurs professionnels africains, à l’absence de syndicalisme des sportifs africains, à la sécurité des spectacles et des joueurs, à l’absence des agents de joueurs africains dans les gros transferts, à la mise en place du football professionnel, à la justice sportive et à la question des binationaux etc… Je ferai une présentation fin juillet à Marseille, une autre à Dakar fin août et si besoin et avec votre invitation, une à Tambacounda.

 

Quelle lecture faites-vous du football national sénégalais au lendemain de la coupe du monde ? Quelles sont les problèmes et les solutions possibles pour sortir le ballon dans l’eau ?

Le football sénégalais commence à s’en sortir après toutes ces années de galère. La nouvelle fédération que dirige mon ami Maître Augustin Senghor et la ligue professionnelle sont entrain de faire du bon travail. On est, c’est vrai, classé 95e au classement FIFA, ce qui n’est pas du tout glorifiant mais j’ai bon espoir, vu la qualité des joueurs qu’on a et du discours du coach Amara Traoré, qu’on atteindra nos objectifs.

Vous suivez le football Tambacoundois, depuis le site tambacounda.info. Aujourd’hui, pouvez-vous faire le tour de la situation du football local à Tambacounda et les moyens d’accéder à l’élite ?

Pour développer le football local à TAMBA, il faut à mon modeste avis, quelques conditions. Tout d’abord, il faut regrouper tous les petits clubs en un seul. C’est la première condition sans laquelle, on ne verra aucun investisseur ou partenaire potentiel. Personne n’investira son argent à des gens divisés en microprojets. La deuxième condition, il faut associer les collectivités territoriales, la région et la ville, les entreprises et surtout toute la diaspora (France, Italie, Angleterre, USA, Afrique du Sud etc…). Troisième condition, il faut associer la population dans la gestion du club. Enfin, il faut faire un Business Plan qui détaillera nos objectifs à court et moyen terme. Parce que personne n’investira sur de belles paroles. Il faut présenter quelque chose de fiable et faisable portée par des gens compétents en la matière. C’est ce qui fait aujourd’hui, la réussite de TOURE KUNDA, NIARRI TALI et du CASA SPORT.

Votre dernier mot ?

Je voudrai tout simplement demander à mes frères et sœurs Tambacoundois de se battre et d’arrêter de tout reposer sur le dos de nos élus. Qu’il l’avoue ou pas, aucun élu à lui tout seul, quelque soit son courage et sa bonne volonté, ne pourra pas régler tous nos problèmes. MADY CISSOKHO, SARA OUALY, SOUTY TOURE et MOUSSA DIALLO étaient de fortes personnalités politiques, très courageux mais cela n’a pas suffi.

Au demeurant, si l’on observe bien, toutes les villes sénégalaises qui ont bénéficié des grands travaux de l’alternance ont les caractéristiques suivantes :

  • Soit, elles sont dirigées par des personnalités bien placées dans le gouvernement et qui bénéficient d’un réseau relationnel bien fourni au Sénégal et à l’étranger. C’est le cas de BALDE (Ziguinchor), de GUIRASSY (Kédougou), de Macky SALL(Fatick), d’Idrissa SECK (Thiès), d’Oumar SARR (DAGANA).

  • Soit des villes avec une coloration religieuse comme Touba, Tivaouane, Médina NIASSE, Yoff.

Or, Tambacounda ne bénéficie ni de l’une ni de l’autre caractéristique (puis que notre cher Maire, Monsieur BA n’est ni membre influent du gouvernement et ne bénéficie pas à ma connaissance d’un réseau relationnel aussi bien fourni que les personnes citées ci-dessus et que la ville n’est pas une ville religieuse à l’instar de Touba).

Par conséquent, il faut continuer et appuyer le travail qu’est entrain d’accomplir Ousmane DIA, qui est de regrouper tous les enfants de Tamba counda et arrêter les querelles et les attaques personnelles, chose la plus facile au monde et qui au demeurant, sont inutiles et improductives.