3’000 visiteurs sillonnent le parc national du Niokolo Koba tous les ans en quête d’émerveillement. La faune et la flore, riche et verdoyante, offrent un cadre idyllique, mais l’envers du décor est plus sombre, entre braconnage intempestif et abus de la direction.
Des pistes ocres et boueuses, d’immenses termitières rouges et une épaisse forêt d’arbres : bienvenue au parc national du Niokolo Koba, à 80 kilomètres de Tambacounda. En son sein et sur près de 9 000 hectares – 600 kilomètres de pistes -, tout tranche avec l’aridité de Dakar et de ses environs ; la pollution. La flore, riche et verte, abrite une faune luxuriante, principale attraction du parc et gagne-pain des autochtones qui y travaillent comme guides, chauffeurs ou employés d’hôtel.
C’est le cas de Bana, 46 ans, qui promène les touristes au cœur du Sénégal Oriental depuis plus de 20 ans. Enfant du pays, l’homme est expulsé de son village natal en 1976 – situé dans l’actuelle enceinte du parc -, car l’Etat décide de vider la forêt de ses habitants. Résigné, il décide alors de devenir guide, d’offrir son pays au regard d’une clientèle en quête d’émerveillement ; de profiter du tourisme afin d’améliorer les conditions d’existence de sa famille, soumise comme toutes les familles de cultivateurs, aux aléas du temps et aux forces supérieures de la nature. L’œil aux aguets, il débusque, au plus grand bonheur de ses clients, phacochères, singes et antilopes égarées. « Mais il faut être patient », prévient-il avant de poursuivre : « les animaux sont en totale liberté et leur territoire est grand ». Impossible de leur donner rendez-vous, d’autant que les animaux se méfient de l’homme, et plus particulièrement des braconniers. « Le braconnage sauvage vise principalement les espèces protégées », explique Bana. « Les éléphants, les lions et les panthères, dont la peau peut se revendre plus de 500 000 francs CFA. C’est un fléau qu’il est difficile de combattre », regrette-t-il.
La multiplication des patrouilles de gardes forestiers et l’alourdissement des peines s’avèrent peu efficaces. « Les braconniers n’ont rien à perdre, ils sont encore plus pauvres que nous, ils n’hésitent pas à tirer pour éviter la prison », raconte-t-il pour aussitôt ajouter : « ce sont généralement des Maliens et des Guinéens qui traversent la frontière, mais on dénombre aussi des Sénégalais qui chassent le gibier pour nourrir leurs familles ». Résultat, le parc ne compte plus que 80 grands fauves, et les éléphants ont migré près de la frontière guinéenne pour mieux se cacher.
Des pertes dont découle un manque d’attractivité pour le parc, qui doit également composer avec la concurrence de la réserve de Bandia. Située à 60 kilomètres de Dakar, cette dernière est plus accessible et dispose de moyens plus importants. A tel point que pour enrichir son safari, ses exploitants achètent des animaux à la direction du parc du Niokolo Koba, qui les cède sans rechigner. Une politique critiquable au regard de ses conséquences : le parc attire de moins en moins de visiteurs – 3000 par an, actuellement – et ces derniers ne sont guère bien accueillis.
Ibrahim Dramé, directeur de l’hôtel Simenti, principale complexe hôtelier du parc, tire jusqu’à la corde pour gagner un maximum d’argent. Les 30 kilomètres de trajet jusqu’à l’hôtel sont facturés 40 000 francs CFA aller-retour – 60 000 Fcfa sans négociations. Au restaurant, les prix varient à la tête du client – un jour, la carte affiche un petit-déjeuner à 2000 Francs CFA, le lendemain, il grimpe à 2 500 francs CFA – et le visiteur paye un confort inexistant : la climatisation ne marche pas, les moustiquaires sont trouées, la plomberie a du plomb dans l’ail – pour une raison inexpliquée, 5 centimètres d’eau inondait la chambre de visiteurs au petit matin-, l’électricité aussi – une décharge électrique a souhaité la bienvenue à un touriste alors qu’il découvrait sa chambre.
Des incidents que certains visiteurs prennent avec humour, mais qui en horripilent d’autres. Sur la Toile, les critiques de touristes mécontents sont nombreuses, et acerbes. A leur lecture, on comprend pourquoi la fréquentation du parc est en baisse et l’on ne peut s’empêcher de souhaiter un changement de politique pour le parc, et ses pensionnaires. Au coucher du soleil, des hippopotames jouent avec les flots du fleuve Gambie. Des babouins traversent paisiblement un campement. Un phacochère broute l’herbe bourrument. Il est des décors qu’on souhaite voir pour l’éternité.
Théodore Odolant / lagazette.sn/