Le Conseil de sécurité de l’ONU étant paralysé, les occidentaux pourraient être en train de chercher un moyen de le contourner afin de légitimer une riposte. Face à un Conseil de sécurité de l’ONU paralysé sur la Syrie, les Etats-Unis et leurs alliés pourraient chercher d’autres sources de légitimation d’une éventuelle intervention militaire en Syrie en riposte à l’attaque aux armes chimiques dont est accusé le régime de Bachar al Assad.
Depuis le début de la crise, en mars 2011, la Russie, alliée d’Assad, et la Chine ont opposé à trois reprises leur veto de membre permanent à des projets de résolution qui condamnaient le président syrien et appelaient à des mesures de rétorsion contre son gouvernement. Mais la situation a évolué ces derniers jours sur le terrain, où l’opposition accuse les forces gouvernementales d’avoir gazé des populations civiles dans la banlieue de Damas, faisant plusieurs centaines de morts. Si la Maison Blanche s’efforce de dire que Barack Obama n’a pas encore arrêté de décision, des spécialistes des relations internationales rejettent d’ores et déjà l’idée selon laquelle une éventuelle frappe contre la Syrie nécessiterait forcément l’approbation du Conseil de sécurité.
Le Kosovo, un précédent
«Le Conseil de sécurité de l’ONU n’est pas le seul et unique gardien de la légalité et de la légitimité», relève Richard Haas, président du «Council on Foreign Relations». «Comme il l’a été beaucoup rappelé, il avait été contourné au Kosovo (où l’intervention armée de l’Otan en 1999 dans l’ancienne province serbe contre les forces de Slobodan Milosevic s’est faite sans mandat de l’Onu)». «Il ne me semble pas que l’on puisse appuyer l’idée que seul le Conseil de sécurité peut rendre une action légitime, car cela permettrait dans ce cas à un pays comme la Russie d’être l’arbitre du droit international et, plus généralement, des relations internationales», poursuit Richard Haas.
«Coalition de volontaires»
Pour lui, une frappe sur la Syrie pourrait trouver sa légitimité dans une «coalition de volontaires» dont les contours s’esquissent déjà. Lundi matin, tandis que le secrétaire au Foreign Office britannique William Hague jugeait possible d’agir «sans une unité complète du Conseil de sécurité», son homologue turc disait la Turquie prête à participer à une coalition. «Actuellement, 36 ou 37 pays discutent de ces options», ajoutait Ahmet Davutoglu cité par le quotidien Milliyet. Comme l’Otan au Kosovo, la Ligue arabe pourrait également appuyer une action militaire contre Damas.
Mobiliser l’Assemblée générale de l’ONU
L’ONU, hors Conseil de sécurité, pourrait même apporter un cadre à une intervention contre les forces d’Assad. L’article 51 de sa Charte évoque «le droit naturel de légitime défense, individuelle ou collective, dans le cas où un membre de l’organisation est l’objet d’une agression armée, jusqu’à ce que le Conseil de sécurité ait pris les mesures nécessaires pour maintenir la paix et la sécurité internationales». En théorie, des pays comme la Turquie ou Israël pourrait donc réclamer la mise en oeuvre d’une «légitime défense collective» du fait des violences commises à leurs frontières avec la Syrie. Mais des diplomates jugent cette option difficile à mettre en oeuvre. Une autre voie mène à une résolution adoptée en 1950, la résolution «Union pour le maintien de la paix», qui permet à l’Assemblée générale de se réunir «dans tout cas où paraît exister une menace contre la paix, une rupture de la paix ou un acte d’agression et où, du fait que l’unanimité n’a pas pu se réaliser parmi ses membres permanents, le Conseil de sécurité manque à s’acquitter de sa responsabilité dans le maintien de la paix et de la sécurité internationales».
Précédent en Corée
Ce texte a permis aux Etats-Unis et à leurs alliés de mettre en échec l’Union soviétique lors de la Guerre de Corée (1950-1953). Sans opter formellement pour cette voie, Washington et ses alliés pourraient tenter d’obtenir un soutien politique de l’Assemblée générale de l’ONU via un texte non contraignant. Pour ce faire, il leur faudrait s’assurer au préalable d’une majorité la plus large possible. Depuis mars 2011, tous les votes qui se sont tenus à l’Assemblée générale sur la Syrie ont démontré l’existence d’une majorité de pays s’opposant à Assad. Mais elle s’est réduite lors du dernier vote. L’autre difficulté de cette carte tient à son calendrier de mise en œuvre, qui pourrait être jugé trop long.
(ats/Newsnet)