Bangkok: De nouvelles charges contre la première ministre thailandaise

La première ministre thaïlandaise Yingluck Shinawatra, contestée par la rue depuis quatre mois, a esquivé jeudi une convocation pour négligence de la commission anticorruption (NACC). Une négligence de la part de la première ministre thailandaise qui pourrait bien mener à sa destitution. La NACC estime que Yingluck Shinawatra a ignoré les mises en garde contre la corruption qu’aurait engendrée le programme controversé d’aide aux riziculteurs. Elle l’a donc convoquée pour lui faire part officiellement d’accusations de négligence. Mais la Première ministre, en déplacement dans son fief du nord du pays, a envoyé ses avocats à sa place. Yingluck Shinawatra, qui clame son innocence, «a l’intention de coopérer», a assuré l’un d’eux, Norrawit Larlaeng. Il a précisé que la cheffe du gouvernement croit toujours en ce programme qui a conduit le gouvernement à acheter le riz aux paysans jusqu’à 50% au-dessus du prix du marché.

Interdiction de la vie politique
Si Yingluck Shinawatra était reconnue coupable, le dossier pourrait être transmis à la justice et en même temps transféré au Sénat, qui pourrait l’interdire de vie politique pour cinq ans. Le programme d’aide aux riziculteurs avait contribué à la large victoire de la première ministre aux élections de 2011. Mais il s’est depuis retourné contre elle. Ses détracteurs accusent cette politique d’avoir entraîné une corruption massive, porté un coup aux finances publiques et créé une montagne d’invendus. Et des riziculteurs se sont joints à la grogne en raison de l’incapacité du gouvernement à les payer depuis fin 2013. Mais les partisans de Yingluck Shinawatra et certains experts jugent ces attaques politiques, estimant qu’elles sont destinées à provoquer un «coup d’état judiciaire» similaire à 2008, lorsque la justice avait chassé deux gouvernements de Thaksin Shinawatra, le frère de l’actuelle cheffe du gouvernement.

Crise politique
La Première ministre fait face depuis l’automne à des manifestants qui veulent remplacer le gouvernement par un «conseil du peuple» non élu. Ils lui reprochent d’être une marionnette de son frère Thaksin Shinawatra, ancien Premier ministre en exil renversé par un coup d’Etat en 2006. Les violences engendrées par cette crise, attaques à la grenade ou fusillades visant principalement les manifestants, se sont multipliées ces derniers jours, portant le bilan à 22 morts et des centaines de blessés. Les législatives du 2 février n’ont pas réussi à apaiser les tensions. Les manifestants ont en effet largement perturbé le scrutin, empêchant la publication des résultats et la réunion du nouveau Parlement, en attendant de nouveaux scrutins partiels.

Face-à-face télévisé exigé
Alors que le gouvernement a plaidé pour des négociations, le leader du mouvement, Suthep Thaugsuban, a déclaré jeudi qu’il ne discuterait avec Yingluck Shinawatra que face-à-face et en direct à la télévision. Un appel qu’elle a rejeté. Le vice-Premier ministre Surapong Tovichakchaikul a quant à lui indiqué jeudi avoir invité le secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon à venir en Thaïlande pour servir de médiateur.

Sénateurs pro-Yingluck accusés
Des dizaines de sénateurs pro-Yingluck font aussi face à une procédure de la NACC pour leur tentative ratée d’amender la Constitution pour faire du Sénat une assemblée entièrement élue, et non plus en partie nommée. S’ils étaient interdits de vie politique et en l’absence de chambre basse, un vide politique pourrait émerger, laissant les sénateurs nommés en charge de désigner un nouveau Premier ministre, selon des experts. (ats/afp/Newsnet)