Diène Farba Sarr, ministre de la Promotion des Investissements et des Partenariats: «Le PSE traduit une ambition forte d’un Président pour son pays »

Un mois après le Groupe consultatif de Paris arrimé à la rencontre avec les investisseurs privés nationaux et internationaux à la Chambre de Commerce toujours dans la capitale française, retour sur les principales décisions qui sont sorties de ces rencontres qui ont, depuis, dessiné un nouveau tournant dans l’échiquier économique national puisqu’elles ont permis d’envisager un nouvel envol pour la croissance au Sénégal. Ce soir on évoquera la mise en œuvre du PSE, la stratégie qui l’accompagne et la séquence temporelle qui lui sera impartie pour sa réalisation ; un mandat suffira-t-il au Président Macky Sall qui porte le projet pour réaliser son ambition de porter la croissance à 7% ? Autant de préoccupations auxquelles répondra Monsieur le Ministre en charge de la promotion des investissements et des partenariats. Diène Farba Sarr.

Le 25 mars la majorité a célébré les deux ans de l’accession du Président Macky Sall à la magistrature suprême. Sur le plan économique et surtout, des investissements quels sont les acquis ?

Je commencerais par rendre grâce à Dieu le tout puissant de nous avoir permis au terme de deux années de dure labeur de mettre jeter les bases d’une transformation des conditions de vie de nos concitoyens. Nous convoitons de lui qu’il donne au Président de la République et à ses alliés les forces pour parachever cette œuvre au bénéfice des populations.

En matière d’investissement, il a fallu mettre en place un climat des affaires compatible avec l’exigence de drainer des capitaux au Sénégal. A cet égard, une série de réformes, contenues dans le PREAC, ont été menées, sous l’impulsion de Monsieur le Président de la République.

Ainsi, les performances du Sénégal en matière de création d’entreprise s’améliorent, puisque le délai d’enregistrement de la Société à Responsabilité Limitée est passé de 2 à 1 jour.

Dans le domaine du commerce transfrontalier, l’avancée majeure a été l’achèvement du processus de dématérialisation de la procédure de dédouanement en mars 2013. La généralisation de la procédure automatique de dédouanement pour les démarches d’import/export au port autonome de Dakar avec le GAINDE intégral permettent désormais un gain d’un jour sur les délais de 12 jours à l’export et de 14 jours à l’import.

Par ailleurs, les procédures de facilitation de l’obtention du permis de construire seront allégées avec l’installation de guichets uniques de dépôts et d’instruction des demandes et l’opérationnalisation du projet de dématérialisation des procédures.

Dans le même ordre d’idées, il a été institué, en synergie avec les concessionnaires, une procédure fusionnelle permettant aux entreprises, par une seule démarche, d’obtenir le raccordement à l’eau, l’électricité, le téléphone et l’assainissement.

Les transactions immobilières sont allégées au Sénégal, avec la suppression de l’autorisation de transaction, permettant de réduire de moitié les délais des opérations de transfert de propriétés des biens immeubles. Cette mesure est complétée par l’opérationnalisation de la procédure fusionnée (enregistrement et publicité) dans toutes les conservations de Dakar.

Parallèlement, pour ce qui est de la protection des investisseurs des réformes ont été entreprises, à travers la révision du code de procédure civile pour un traitement diligent des contentieux économiques. Le Gouvernement, en dehors de sa contribution aux réformes menées au sein de l’OHADA, a pris des mesures propres à améliorer le mécanisme des jugements et la qualité des services. Aussi, a-t-il procédé à la révision du code des procédures civiles et l’informatisation des juridictions.

En matière d’accès au crédit, un dispositif innovant est constitué d’un Fonds Souverain des Investissements Stratégiques, d’un Fonds de Garantie des Investissements Prioritaires et d’une banque, la BNDE, dédiée au financement des PME/PMI qui constitue plus de 80% du PIB. La loi sur les Bureaux d’informations sur le crédit a été adoptée afin d’améliorer la disponibilité de l’information et alléger la contrainte de la garantie. De même, il sera procédé à l’achèvement de la base de données sur les suretés et au lancement de l’application info greffe avec l’appui du Gie GAINDE.

Pour la proche période, l’Etat s’attèle à parachever la mesure de fixation du capital minimum d’1 franc symbolique pour la SARL, en ligne avec une recommandation du Conseil des ministres de l’OHADA qui en donne la prérogative aux Etats membres.

Les mesures essentielles sont introduites dans le nouveau Code Général des impôts et largement favorables à l’investissement dans les secteurs stratégiques comme l’agriculture. A cet égard, l’adoption du principe de droit commun incitatif a conduit à un package de mesures portant sur la finance islamique, le crédit d’impôt à l’investissement et exonération du matériel agricole, le renforcement de la mission du centre de gestion agréée et le statut d’entreprise d’exportation pour celles justifiant 80% de leur production vendue à l’extérieur.

L’adoption par l’Assemblée Nationale le 10 février 2014, de la nouvelle loi sur les contrats de partenariat améliore sensiblement le cadre d’exécution des PPP au Sénégal. Cette mesure sera suivie d’une réforme foncière d’envergure, d’un ambitieux programme de résorption du déficit énergétique, la mobilité interne et externe et le renforcement du capital humain.

A la faveur de la mise en œuvre de l’ensemble de ces réformes, les investissements directs étrangers au Sénégal ont connu une nouvelle tendance haussière.

? En 2011 – 166 milliards d’IDE ont été enregistrés

? En 2012 – 467,5 milliards

? En 2013 – 478,1 milliards

En ce qui concerne les investissements nationaux, ils se sont stabilisés à 442,8 milliards en 2012 et 504,2 milliards en 2013.

Cela nous permet de parler des initiatives prises par le Gouvernement pour accélérer la cadence et attirer davantage les investisseurs privés : la loi PPP, la loi sur le partenariat public privé a été votée en février dernier afin de mieux capter les investissements. Pouvez-vous nous parler de l’esprit et de la lettre de ce texte qui suscite un débat notamment avec l’opposition qui parle d’une parade contre ‘’l’obstacle’’ des appels d’offres.

La nouvelle loi relative aux contrats de partenariat vient corriger les insuffisances notées dans l’application de la loi CET.

La première innovation introduite c’est l’élargissement de son champ d’application ; ce qui ouvre la possibilité à des secteurs prioritaires comme la santé, l’éducation, la justice, le tourisme etc, de pouvoir mettre en œuvre des montages de type PPP pour répondre aux nombreux besoins exprimés.

En outre, en plus des entités publiques qui pouvaient déjà contracter sous le régime de la loi CET, les établissements publics, les sociétés nationales pourront désormais agir comme autorité contractante.

De même, en ce qui concerne les collectivités locales, pour tenir compte du principe de libre administration des collectivités locales inscrit dans notre constitution, il a été jugé nécessaire de restituer cette compétence d’autorisation de lancement des procédures de passation à l’organe délibérant (conseil municipal par exemple, dans le cas des communes).

Pour les mêmes raisons, l’on a pensé qu’il était plus judicieux de responsabiliser les organismes de gouvernance des sociétés nationales ou établissements publics tels que les conseils de surveillance ou conseils d’administration en leur reconnaissant le pouvoir d’autoriser la passation des contrats.

En ce qui concerne plus spécifiquement les critiques faites à la loi, vous me donnez l’occasion de rétablir la vérité des faits sur cette question.

Comme vous le savez, l’offre spontanée n’est pas une nouveauté dans le corpus juridique sénégalais. Elle existait déjà dans la loi CET et elle est prévue dans la plupart des législations PPP des autres pays. En outre, je trouve particulièrement réducteur de s’appesantir sur l’offre spontanée qui n’est qu’une modalité exceptionnelle de passation des contrats de partenariat. En effet, la nouvelle loi précise bien et avec force que le principe de passation des contrats de partenariat est l’appel d’offre. Dès lors, toute autre procédure ne peut être que dérogatoire, donc exceptionnelle.

Du reste, à mon avis, la nouvelle loi est plus ambitieuse que l’offre spontanée. Elle repose sur un socle de procédures particulièrement strictes qui nous permettront de développer une nouvelle génération de contrats PPP équilibrés et de qualité.

Au plan opérationnel, comme je l’ai indiqué dans le diagnostic de la loi CET, les administrations éprouvaient de grandes difficultés à mettre en œuvre les projets en raison d’une maitrise imparfaite des outils juridiques, financiers et économiques auxquels fait appel la pratique des PPP. C’est pour cette raison qu’il a été décidé de créer une instance d’appui aux autorités contractantes qui pourra leur apporter son assistance technique, juridique pour un bon dimensionnement des projets et la sauvegarde des intérêts de l’Etat et des partenaires privés.

Je souligne que cette instance d’appui n’existait pas dans la loi CET qui avait laissé les administrations se démener comme elles pouvaient pour faire sortir de terre les projets qu’ils initiaient.

Une autre innovation majeure, qui malheureusement n’attire pas les commentaires comme c’est le cas de la question des offres spontanées, est l’introduction de dispositions relatives à l’audit et à l’évaluation périodique des contrats en cours mais aussi de la pratique des PPP de manière générale.

Il en est de même pour l’implication du secteur privé national dans les projets de PPP.

Comme vous le savez, le secteur privé a toujours fustigé sa participation insuffisante dans les projets de PPP qui ont déjà vu le jour au Sénégal. C’est pour cette raison que le gouvernement a tenu à promouvoir une plus grande implication de ce secteur privé dans la présente loi.

A ce titre, il est prévu, dans la nouvelle loi, un certain nombre de marges de préférence qui encouragent :la participation directe de nos entreprises aux appels d’offres, le partenariat stratégique d’entreprises étrangères avec notre secteur privé national, la conclusion de contrats de sous-traitance aux PME ,le transfert de technologie.

A cela s’ajoute le fait que désormais, au moment de la constitution des sociétés de projet, il sera fait obligation aux opérateurs privés de réserver 20% de leur capital social à l’actionnariat national. Il est même prévu le portage de ces actions par l’Etat pendant une période maximale de 2 ans au cas où le secteur privé n’aurait pas un intérêt immédiat dans la prise de participation au capital desdites sociétés.

En dehors de ces marges et de la réservation de parts de capital social, de nouveaux critères de sélection ont été introduits dans la loi pour prendre en compte des problématiques importantes telles que le niveau de transfert de technologie ou d’emploi de la main d’œuvre locale proposé par le candidat.

Toutes ces dispositions étaient absentes de la loi CET ; ce que notre secteur privé national a toujours perçu comme une omission inadmissible.

A court terme c’est-à-dire sur une période de dix ans le Plan Sénégal Emergent vise une croissance de 7% ; il est notamment attendu le développement de six voire sept secteurs prioritaires dont l’agriculture et les infrastructures. Pour paraphraser un homme politique l’espace temporel est-il favorable au Président Macky Sall pour réussir cette ambition ?

Bien entendu car le mérite de Monsieur le Président de la République est d’avoir posé les jalons de l’émergence économique, en mobilisant l’ensemble de ses compatriotes autour d’un projet fondateur. Le PSE traduit une ambition forte d’un Président pour son pays, et constitue une concrétisation économique de sa vision déclinée dans son programme de gouvernement. De ce point de vue, il participe à sortir des standards, pour préconiser une feuille de route articulée avec les exigences de développement économique et de création d’emplois durables. En outre, le Plan Sénégal Emergent trouve sa pertinence dans sa capacité de mobiliser les sénégalais autour d’un programme unique et partagé permettant de canaliser efficacement les efforts des forces vives de la Nation autour d’un idéal commun : bâtir le Sénégal de demain. Les secteur ciblés sont :les infrastructures et services de transport , la santé , l’énergie , l’agriculture et la sécurité alimentaire , l’eau potable et l’assainissement ,l’éducation et la formation

De la revue des rapports et études menées sur l’économie du Sénégal depuis les indépendances, il apparait que ces secteurs méritent un traitement particulier, notamment en ce qui concerne leur dimension structurante, leur haut potentiel de réduction de la pauvreté et leur capacité à améliorer la productivité.

Il convient également de saluer l’approche partagée et inclusive qui a guidé la conception du document, à travers la prise en compte des avis et observations des toutes les organisations professionnelles, civiles, et des autres segments de notre société, reflétant le noble souci de prendre en compte les préoccupations de des acteurs économiques.

Sur la question de savoir si l’horizon temporel est favorable au Président Macky Sall pour réussir cette ambition, je répondrais ceci :

Le PSE transcende les horizons électoraux, (2014-2035). Il constitue un instrument de référence qui s’inscrit dans la durée, laissant escompter son appropriation par les générations futures.

Mais il a une déclinaison quinquennale, c’est-à-dire que les projets seront mis en œuvre dans un espace temporel de 5 ans.

Tout laisse croire que pendant son mandat, les investissements programmés seront réalisées parce que :Les projets sont chiffrés et leur réalisation est assortie de délais précis Il s’est engagé devant a communauté des bailleurs et des investisseurs privés à réaliser ces projets .Il a également mis en place un dispositif de suivi-évaluation qui renforce la prise en charge des diligences au plan institutionnel.

Un levier incontournable pour réussir une stratégie, c’est le suivi des engagements et, pour cela, le Président de la République a pensé à une Delivery Unit pour le contrôle de l’exécution des directives avec la nomination d’un ministre en charge du suivi du PSE. Il est aux manettes pour le suivi du BOSSE, le Bureau Opérationnel de Suivi du Plan Sénégal Emergent. Quel est son champ de compétence ?

Je dois d’abord préciser que la réussite du PSE appelle une rupture dans la capacité d’exécution des projets et des réformes prévuEs. Cela suppose un leadership clair et fort, un pilotage et un suivi rapprochés, au niveau le plus élevé de l’Etat, le renforcement des capacités d’impulsion et de mise en œuvre des politiques à tous les niveaux. Il faut également instaurer au sein de toute l’Administration une culture de la performance et de la transparence, d’une gestion axée sur les résultats et l’obligation de rendre compte et l’appropriation par toutes les couches de la société et l’exercice d’un contrôle citoyen.

C’est pourquoi le Chef de l’Etat qui préside le Comité d’Orientation Stratégique (COS) du PSE a mis en place une structure dénommée Bureau Opérationnel de Suivi du Plan Sénégal Emergent (BOSSE) dirigé par un ministre et dont la mission principale sera le contrôle de l’exécution des directives présidentielles.

Cette structure inspirée du modèle Delivry Unit mis en place par certains pays émergents comme la Malaisie sera relayée au niveau de l’Administration par une unité de coordination logée à la Primature et des cellules ministérielles.

En somme, il s’agit d’un instrument essentiel qui permettra au Chef de l’Etat de suivre en temps réel et avec plus d’efficacité la réalisation des projets du PSE et la mise en œuvre des réformes qui constituent les conditions préalables de réussite de ce plan.

Au moment où l’Alliance Pour la République et ses alliés célèbrent les deux ans des apéristes au pouvoir, revisitons ensemble le concept d’émergence en lien avec l’économie. N’y a-t-il pas hiatus dans la formulation et pourquoi est-ce si important pour votre parti de le lier à la notion de développement ?

Par ce que l’émergence économique constitue une étape vers le développement économique auquel nous aspirons tous. Cette aspiration légitime qui doit concerner l’ensemble des sénégalais, pas seulement l’APR et ses militants. Comme je vous l’ai déjà dit, c’est un processus qui transcende à la fois les horizons électoraux et l’objectif de réduire la pauvreté. De ce point de vue le PSE constitue le seul document de référence de politique économique au Sénégal. Le plan a pour objet de mettre notre pays sur la rampe de l’émergence économique, à travers la transformation de la base productive, permettant une exploitation optimale de nos atouts et potentialités. De même, le PSE a pour ambition de créer un nouveau paradigme économique qui transcende la seule exigence de réduction de la pauvreté. De ce point de vue, il constitue une rupture fondamentale, car les mesures de politique économique étaient jusqu’ici axées sur la réduction de la pauvreté. Notre programme se veut un accélérateur de croissance partagée, visant l’amélioration significative du revenu par habitant, le rééquilibrage de la balance des paiements et surtout une meilleure répartition géographique et spatiale de l’activité.

Source Rts