
L’invité Afrique de RFI ce 16 juin, c’est le président Macky Sall, le chef de l’Etat sénégalais. Dakar a organisé ce week-end un sommet consacré au financement des infrastructures dans le cadre du Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique (Nepad), Macky Sall est le président en exercice du Nepad. Il répond aux questions de Carine Frenk.
Carine Frenk : Qu’est-ce qui ressort de ce sommet de Dakar. Comment passer de la parole aux actes ?
Macky Sall : Nous avons dans le Pida [Programme pour le développement des infrastructures en Afrique] cinquante-et-un projets sur lesquels seize ont été extirpés, donc ces seize projets couvrent tout le continent. Vous avez des projets sur l’Afrique de l’Ouest, il y en a principalement trois. Un concerne la connexion en chemin de fer de la Côte d’Ivoire-Bénin-Togo et Nigeria. Un autre concerne justement Dakar-Bamako, comme premier tronçon du corridor est-ouest. Et nous avons le projet de Sambangalou qui est un projet hydroélectrique sur le fleuve Sénégal.
L’idée, c’est de faire des réalisations concrètes enfin ?
Absolument, de passer de la théorie à l’action. C’est pourquoi d’ailleurs à Dakar, nous avons évité de parler de déclaration de Dakar. On a dit « agenda de Dakar pour l’action », c’est-à-dire que c’est des réalisations qui, au plus tard en 2015 je pense, vont démarrer.
Vous avez invité l’ancien président Abdoulaye Wade. Pourquoi ce geste ? On avait plutôt l’impression que vous n’étiez pas trop content de le voir rentrer au Sénégal ?
C’est votre impression. C’est très loin de la réalité. Abdoulaye Wade est un ancien président du Sénégal, comme Abdou Diouf, et qu’à ce titre, on lui doit respect et considération. Bien sûr, il est politique et s’il descend dans l’arène politique, que les gens peuvent être amenés à réagir politiquement mais il faut quand même que l’éthique républicaine et l’élégance républicaine soient de mise. En tout cas, c’est mon créneau.
La campagne électorale vient de démarrer en vue des élections locales du 29 juin. Est-ce que le grand vainqueur ne risque pas d’être la confusion. Il y a 2 700 listes en compétition. Même l’Alliance pour la République (APR), votre parti, est divisée. Est-ce quelque chose que vous regrettez ?
Pas du tout. Pour une fois, les citoyens se sont appropriés ces élections locales. Moi j’ai laissé faire au sein de mon parti et ça a été un choix. Notre parti est un jeune parti qui n’a que cinq ans, qui n’a jamais été structuré. C’est le moment à travers ces élections locales d’avoir des vraies primaires partout. C’est ce qui a fait que arrive dans une localité par exemple où j’ai quatre listes. Dans tous les cas, ces quatre listes, ce sont de l’APR et je n’ai rien à perdre dans cette localité. C’est sûr que quelque soit le maire, il viendra dans mon parti. Ailleurs ça peut nous coûter de perdre une collectivité, mais cela n’est pas grave par rapport à ce qui me concerne, c’est-à-dire pour les futures élections présidentielles. Mais les élections locales, c’est une affaire locale et je ne m’en mêle pas. C’est une affaire des citoyens dans leur localité.
Votre frère et deux de vos beaux frères sont candidats. Idrissa Seck, l’ancien Premier ministre, parle même de la dynastie Faye-Sall qui gouverne le Sénégal. Qu’est-ce que vous lui répondez à Idrissa Seck ?
Rien. Je ne réponds pas à ce genre de qualification. Je vous ai dit, ces élections sont des élections strictement locales. Alors le devoir se pose à ce niveau, pas au niveau de l’Etat. Je laisse les Sénégalais qui sont suffisamment matures apprécier tout cela.
Ces municipales, c’est le dernier test avant la présidentielle de 2017. Enfin c’est vous qui avez promis 2017, mais vous êtes élu pour un mandat de 7 ans et toujours pas de réforme en vue. Alors ce sera 2017 ou 2019 ?
Je ne sais pas combien de fois j’ai déclaré que je réduirais mon mandat à cinq ans. Maintenant à quand la réforme ? Je leur ai dit qu’il fallait attendre la fin des élections locales pour que je reprenne le dossier.
Si la Cour constitutionnelle n’est pas d’accord avec cette réforme ? Vous êtes élu pour sept ans?
Le Conseil constitutionnel n’intervient qu’en dernier ressort puisque avant le Conseil, il y a soit l’Assemblée nationale, soit un référendum. Moi j’exprime une volonté et une conviction. Là ce n’est pas moi qui fais la loi. Il appartiendra au Parlement ou au référendum selon le schéma qui sera arrêté.
Vous n’avez pas choisi ?
Pas à ce stade ci. Cela sera fait une fois que j’aurai repris le dossier.
Le procès de Karim Wade doit s’ouvrir le 31 juillet. La Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH) affirme que les droits de la défense ne sont pas respectés et qu’il faut soit supprimer ce tribunal d’exception, soit le remettre en conformité. Est-ce que vous n’avez pas le sentiment d’aller dans le mur avec cette affaire ?
Je ne veux pas commenter un dossier en procédure judicaire. C’est une règle en démocratie. Quant à la FIDH, ce n’est pas Maintenant à elle de déterminer ce qui est conforme à la loi au Sénégal ou pas. La seule institution habilitée, c’est le Conseil constitutionnel qui a tranché ce débat. Il n’appartient ni à la FIDH, ni à qui que ce soit sur la Constitutionnalité de la Crei [Commission d’instruction de la Cour de répression de l’enrichissement illicite] de donner un jugement, sauf à ne pas respecter notre démocratie et notre pays. Tout le reste, on laisse la justice faire son travail.
(Avec RFI)