C’est devenu le « must ». En 2020, c’est le lycée de Goudiry où 9 candidats au bac aidés par six étudiants ont été condamnés pour fraude à l’examen. Cette année, c’est le BFEM qui est flétri au collège Jean XXIII sur l’autel du mérite et de l’excellence. Au nom d’une supposée consanguinité (ou amitié), une jeune fille s’est permise de se substituer à la vraie candidate pour passer les épreuves. Même la sainteté du 261éme pape de l’Église catholique, dont son nom est donné à ce pagus de l’enseignement moyen privé, n’a pas pu faire germer de la pudeur et de la retenue chez les deux combinardes.
Déguisement féminin, partage d’épreuves corrigées dans les groupes WhatsApp comme « Team Pékess », chaque année, les fraudeurs explorent de nouveaux moyens pour arriver à la même fin. Tricher (ou payer) pour passer. Nous voilà dans la « prostitutionnalisation » des examens scolaires.
La légèreté de leurs premiers propos pour se justifier prouve que ces fraudeurs ne prennent pas suffisamment conscience de la gravité de leur agissement qu’ils banalisent même. Pas surprenant, d’autant qu’ils croient que leur acte entre dans le cours normal des choses. Ils font partie de ceux-là pour qui la fraude demeure la loi, le travail est l’infraction.
Ces fraudes déplorées chaque année dans le déroulement des épreuves des examens scolaires (BFEM, BAC) ne sont que la matérialisation d’une certaine croyance devenue populaire, banalisée au début, mais qui a fini d’être un principe de vie. « Xaliss dégnkey lidieunté, douniouko ligey », traduisez « on gagne de l’argent au moyen des combines, pas par le travail ». Cette fausse « vérité » est reproduite dans d’autres champs par d’autres acteurs : apprenants, politiciens, chercheurs d’emplois, employés. Et cela leur donne leurs fausses « vérités » : « diplôme kén douko ligey, dégnekey lidieunté, poste kén douko ligey dégnkey lidieunté, ligey kén douko ligey dégnkey lidieunté », …
Pour l’examen du baccalauréat 2021, au moins 100 candidats ont été pris en flagrant délit de triche sur l’ensemble du territoire national, renseigne l’Office du bac. C’est dire que cette philosophie de la réussite scolaire qui promeut la fraude, la tricherie compte de plus en plus d’adeptes. Que représente ce chiffre comparé au nombre de candidats fraudeurs qui ont réussi à passer dans les mailles du filet de la vigilance des surveillants postés dans les salles d’examen ?
Ces cas de fraude s’expliquent par le fait que ceux qui le font sont des partisans du zéro effort. L’autre explication est à chercher dans les manquements constatés dans leur socialisation qui poussent à poser ces interrogations : la famille a-t-elle suffisamment inculqué aux enfants les valeurs de pudeur, de courage et la sacralité du travail? La société a-t-elle vraiment vendu aux jeunes l’indispensabilité du travail dans l’accession à la réussite ? L’élève est-il conscient que le mérite est indétachable de la réussite scolaire ?
Pour revenir au déroulement des épreuves du BFEM, ne doit-on pas exiger des candidats qu’ils présentent leur carte d’identité nationale pour qu’ils soient admis à la salle d’examen ? Se limiter uniquement à la carte scolaire pour identifier le candidat n’ébranlera point les infographistes faussaires. Qui, en un claquement de doigts, peuvent confectionner une carte scolaire copie conforme pour leurs clients désireux passer les épreuves à la place des vrais candidats.
Ces cas de fraude aux examens scolaires risquent de prendre des proportions encore plus troublantes dans les prochaines années.
Amédine FAYE, journaliste.