La Galerie nationale d’art de Dakar a accueilli, jeudi dernier, le vernissage de l’artiste-sculpteur Ousmane Dia. Intitulée «Black Requiem», l’exposition offre une réflexion profonde sur les thèmes de la résistance, de la dignité humaine et de la justice sociale. Ouvert au public jusqu’au 30 mars 2024, le vernissage a attiré une foule diversifiée et animée, prête à s’immerger dans le dialogue artistique proposé par Ousmane Dia.
Par Ousmane SOW – Le meurtre tragique de George Floyd en mai 2020, aux Etats-Unis, a déclenché une vague mondiale de protestations sous la bannière du mouvement «Black Lives Matter», soulignant la nécessité de reconnaître et de protéger la vie et la dignité des personnes noires. Dans ce contexte, l’artiste-sculpteur, Ousmane Dia, propose une méditation artistique puissante sur le thème du respect de la dignité humaine. «Le thème Black Requiem, par rapport à cette exposition, il faut dire que c’est un travail que je suis en train de mener depuis 3 ans et qui m’a été vraiment inspiré par le meurtre de George Floyd, qui a été lâchement assassiné aux Etats Unis. Et depuis lors, ça m’a énormément travaillé», déclare l’artiste Ousmane Dia, après une visite guidée de son exposition. A l’en croire, l’exposition Black Requiem se veut ainsi un plaidoyer poignant pour la restauration de la dignité humaine, une méditation sur les tragédies injustes qui jalonnent l’histoire. «Aujourd’hui, le racisme anti-noir devient de plus en plus récurrent. Et évidemment, il y a des évènements qui arrivent au fur et à mesure, et des évènements qui peuvent aussi rejoindre ce thème, notamment la situation politique au Sénégal, ce qui se passe au Moyen Orient et en Russie. Donc, en un mot, tout ce travail-là, c’est un plaidoyer pour la restauration de la dignité humaine», explique l’artiste plasticien Ousmane Dia, précisant que le choix des personnages féminins comme élément central de l’exposition n’est pas anodin. «C’était vraiment un choix parce que, tout simplement, c’est la femme qui met l’homme au monde. Et la douleur d’une mère est une douleur incommensurable. Et quand il y a, par exemple, des enfants tués de manière lâche, on voit des mamans qui n’arriveront jamais de la vie à faire leur deuil. Donc, c’est une manière aussi de leur donner la parole», souligne Ousmane Dia.
Dans un élan artistique mêlant sculptures, peintures et représentations graphiques, Black Requiem offre une réflexion visuelle et sonore sur les thèmes de la justice, de la résistance, de l’immigration clandestine et de la mémoire collective. Les sculptures métalliques, évoquant la brutalité du genou oppressant d’un policier sur le cou d’une victime sans défense, se dressent aux côtés de peintures et représentations figuratives de personnages historiques, en grand format, qui offrent une palette en bichromie autour des valeurs picturales du noir et du blanc. Et dans ces atmosphères de dualités, graphiques et thématiques, souligne Aliou Ndiaye, le commissaire de l’exposition, l’artiste Ousmane Dia fait pivoter des chaises convoitées qu’il dessine et tisse autour d’une diversité de personnages féminins. D’ailleurs, sur plusieurs sculptures exposées, on voit l’image de chaises fixées, tourner, virevolter, renversées, inversées, portées autour d’une présence de personnages féminins, ce qui est, selon l’artiste, «une allégorie du pouvoir politique, économique et social». «De l’image du Président Abraham Lincoln, ouvrier du 13ème amendement de la Constitution des Etats-Unis, à celle de la Reine Ndatté Yalla Mbodj du Walo, qui rappelle l’histoire des femmes de Nder, c’est toute une symbolique qui fait résonner des pages entières de notre histoire. L’Histoire de la dignité humaine en conquête», explique Aliou Ndiaye, soulignant que face à la violence du discours «raciste» de plus en plus flagrant, l’artiste, Ousmane Dia, convoque le discours «égalitaire» qui restaure les équilibres. «Face aux images dégradantes qui rappellent le lourd poids de l’histoire et des humiliations, il propose la mise en espace d’images mobilisatrices autour du dialogue», fait-il savoir.
L’exposition de la maturité
Cependant, les réactions face à cette exposition engagée ne se sont pas fait attendre. Aminata Touré, ancienne Première ministre du Sénégal, loue le travail de Ousmane Dia comme «un plaidoyer pour les luttes engagées par les peuples noirs», appelant à une mobilisation contre les injustices, qu’elles soient locales ou mondiales. «J’établis un lien entre cette exposition, mais surtout aussi le thème de la femme qui est l’axe central. Les femmes, partout dans le monde, notamment les femmes noires, sénégalaises, ont toujours été debout et se sont toujours battues pour défendre la liberté. Donc, j’invite tous nos compatriotes à venir visiter cette exposition qui est très belle et à acheter les œuvres qui sont phénoménales.» André-William Blandenier, scénographe, qualifie l’exposition comme celle de la «maturité», soulignant la pertinence des thèmes abordés et l’importance de la représentation historique dans l’art contemporain. «Cette exposition de Ousmane Dia, c’est une exposition de la maturité», témoigne le designer genevois. Mais pour lui, il y a une des statues qui trône dans la salle qui le dérange péniblement. Et il s’agit, dit-il, de la Statue de David de Pury. «Cette sculpture témoigne d’un échec momentané. Elle représente David de Pury, une figure du 18ème siècle qui avait fait don de sommes considérables à la ville de Neuchâtel, une petite ville bourgeoise tranquille en Suisse. Pourtant, l’argent de De Pury était entaché de malédiction et de sang, une réalité que les habitants de Neuchâtel ont refusé d’accepter avec le recul de l’histoire. Commandée par la ville dans le but de créer un dialogue entre le passé et le présent, cette statue a été rejetée», évoque André-William Blandenier.