Le grave accident survenu à l’aéroport Blaise Diagne de Diass, dans la nuit du 8 au 9 mai 2024, a fait de nombreux blessés et des dégâts matériels importants. Le bilan est lourd mais il s’avère quelque peu anodin, vu l’ampleur de la catastrophe qu’aurait pu provoquer un tel crash dans des circonstances d’un vol en haute altitude. Il y a lieu cependant de relever que cet incident, qualifié de mini-crash dans le jargon des professionnels des transports aériens, n’en est pas moins un cas sérieux ; d’autant qu’il ne constitue guère une surprise pour les techniciens et de nombreux passagers.
4 milliards de pertes par mois ! Est-ce perdu pour tout le monde ?
Il s’y ajoute une certaine frénésie observée pour la location des appareils appartenant particulièrement à Transair. On notera qu’il est courant que la compagnie nationale loue pour plusieurs rotations en une journée, des avions de cette compagnie privée. Mieux, tous les vols intérieurs en direction de Saint-Louis sont effectués systématiquement avec ses aéronefs. Mais à chaque fois, de nombreux passagers ont eu à déplorer des situations de frayeur en vol. Les procédures d’affrétement ne sont pas toujours respectées. Des affrétements sont faits sur un simple coup de fil téléphonique, sans les contrôles techniques et de maintenance nécessaires. On invoque à chaque fois des urgences et cela a fini par devenir la règle. Trois avions d’Air Sénégal sont au sol dont un avion ATR cloué à Nouakchott, un avion cloué à Diass et un autre A330 qui effectuait le vol sur New York. Tous ces avions ont des problèmes de moteurs et attendent d’en trouver de nouveaux.
Des avions sont affrétés pour des destinations internationales, structurellement déficitaires. Pourquoi s’obstiner à poursuivre à perdre de l’argent de la sorte ? Sans doute que ce n’est pas perdu pour tout le monde. Air Sénégal se fait renflouer tous les mois à hauteur de 4 milliards sur le budget de l’Etat du Sénégal. Tel est le montant prévu dans la Loi de finances 2024, mais des sources proches du ministère des Finances indiquent que les perfusions dépassent largement ce seuil budgétaire. C’est comme un défi de garder la compagnie en vol. Soit ! Seulement qu’est-ce qui interdirait alors un audit des coûts et des opérations ?
Un projet de fusion Air Sénégal-Transair en péril
La situation de concurrence entre Air Sénégal et Transair semblait montrer à quel point il fallait harmoniser les interventions. Les deux compagnies desservent Ziguinchor quotidiennement et sont également en concurrence sur les lignes vers Praia, Conakry et autres. Le Directeur général d’Air Sénégal, Alioune Badara Fall, du temps où il officiait comme Conseiller technique au ministère des Transports aériens, préconisait l’idée de la création d’une filiale d’Air Sénégal appelée Air Sénégal Express. La gestion serait confiée aux dirigeants de Transair. Le modèle voudrait par exemple que la flotte de Transair soit acquise et repeinte aux couleurs de la filiale et s’occuperait de la desserte intérieure et des vols de proximité. Air Sénégal se déploierait sur les autres destinations et travaillerait à rationaliser ses coûts d’exploitation. En effet, précise un expert, «certaines lignes peuvent être très rentables comme le Dakar-Abidjan, alors que les lignes déficitaires provoquent un gap énorme dans l’exploitation, d’où toutes les difficultés de la compagnie nationale». Le schéma, porté jusqu’ici par le Directeur général d’Air Sénégal, aurait séduit le patron de Transair, Alioune Fall (curieuse homonymie me dirait-on). Il reste à savoir si ce crash et l’état de cette flotte ne vont pas le compromettre définitivement. Certaines sources affirment que les nouvelles autorités sénégalaises auraient adoubé le projet calqué sur le modèle de la Royal Air Maroc avec sa filiale Royal Air Maroc Express ou d’Air France avec sa filiale Hop. Au demeurant, les relations de proximité entre le Premier ministre et la compagnie privée auraient pu aider à matérialiser cette idée. En effet, Ousmane Sonko avait choisi de ne prendre que des vols de Transair sur l’axe Dakar-Ziguinchor du temps où il était dans l’opposition. Cette préférence a pu laisser nourrir la rumeur d’une proximité des dirigeants de Transair avec les dirigeants de Pastef. Est-ce cela qui expliquait le fait que le régime de Macky Sall n’encourageait pas trop les activités de Transair ? Il reste qu’il appartiendra au gouvernement de se montrer intransigeant pour situer les responsabilités dans cet accident et engager toutes mesures qui permettront d’éviter qu’Air Sénégal ne continue d’être un gouffre à milliards.
Post scriptum : Bravo à Diomaye et Sonko de ne pas persister dans l’erreur
Les autorités gouvernementales ont très vite pris la mesure des dégâts que pouvait provoquer la mesure annoncée le 28 avril 2024 par l’architecte Pierre Goudiaby Atepa, de suspension unilatérale des chantiers de construction sur la Corniche de Dakar. C’est ainsi que le tandem Diomaye-Sonko a fini par autoriser les promoteurs et autres propriétaires à poursuivre leurs travaux. On doit les féliciter pour cette humilité et les encourager à plus de vigilance quant à des conseils a priori désintéressés, mais qui pourraient avoir des relents de conflits d’intérêts ou de petits règlements de comptes. En effet, un des plus grands promoteurs immobiliers frappés par la mesure de suspension des chantiers nous a confié son étonnement devant cette mesure brutale, après qu’un proche du nouveau régime n’a pas pu lui imposer de lui confier un marché de suivi de ses chantiers.
* Par Madiambal DIAGNE – mdiagne@lequotidien.sn