[CONTRIBUTION] Seigneur, ne laisse pas Le Sénégal entrer en tentation

« Arrêtons de nous dévisager pour pouvoir envisager ensemble et sereinement le futur de ce pays » Ces mots entendus il y a de cela quelques jours, par hasard, sur une chaine de télévision étrangère, me semblent très à propos relativement à la situation politique que connait aujourd’hui la Nation Sénégalaise. En effet, l’esprit factieux, véritable tumeur de la démocratie, est entrain de trouver dans notre pays le terreau fertile à sa métastase. En se développant, il fait naturellement reculer les fondements d’un Etat unitaire et corrode les fils du lien social et citoyen qui unit les populations d’une même Nation. Et pourtant, contrairement à l’homme pris individuellement, les sociétés humaines réagissent toujours bruyamment et activement devant une tumeur sociale et ses excroissances tout autant pernicieuses. Agressées, elles secrètent naturellement des vigies bruyantes qui crient et s’agitent alertant ainsi le monde entier.

Malheureusement elles ne sont pas très souvent entendues à temps et leurs cris se transforment in fine en chants funèbres accompagnant tristement la fin du bon vieux temps. Au Sénégal ces voix sont encore audibles mais commencent à perdre leur souffle à force de crier dans le désert. Heureusement que Jacques Prévert nous avait prévenus que « Le bonheur se reconnait au bruit qu’il fait en partant. » Il a donc la délicatesse de nous avertir avant de disparaitre, nous donnant ainsi le temps de l’arrêter juste avant qu’il ne nous quitte à jamais. Hâtons-nous donc de stopper la chienlit et de sonner le tocsin pour endiguer ce « natural mystic soufflant dans l’air » contrariant fortement le vent de l’espoir porté par la 3éme alternance, et qui, tout en crispant les esprits, fronce les sourcils, rendant ainsi l’exercice du « dévisagement » plus féroce.

Dans ce jeu dangereux où l’on joue à se faire peur, le Premier Ministre Ousmane Sonko est une identité remarquable. Il cristallise et focalise toutes les passions. Et pourtant, dans les controverses qu’il a lui-même très souvent créées, son avis est difficilement contestable. Il n’a pas vraiment tort quand il dit qu’au Sénégal, l’homosexualité est tolérée ; de même quand il dénonce la corruption sur les routes, quand il demande à la presse de s’acquitter de ses impôts ou quand il indexe l’entreprise qui ne verse pas la TVA, ou dénonce les excès de la presse et des réseaux sociaux ainsi que l’interdiction du voile dans certaines écoles.

Le problème : Il n’a pas tort mais il n’a pas aussi raison. Car pour un homme puissant, qui plus est, Homme d’Etat comme il l’est aujourd’hui, avoir raison c’est d’abord savoir raison gardée. C’est chercher à être persuasif au besoin ferme mais jamais intimidant, c’est être lent à la menace et prompt à la bienveillance. Mais c’est aussi tant soit peu avoir un certain doigté spatio- temporel de la Parole.

Le plus grave avec Sonko, c’est qu’il hystérise- souvent malgré lui- le débat public. Il désarçonne et énerve ses contempteurs qui en perdent leurs moyens au point très souvent d’être balourds dans leurs réactions et réponses. C’est ainsi que les boulangers en voulant trop gagner, « sont roulés dans la farine » et ne savent plus à quel pain se fier. Les transporteurs, qui voulaient profiter de la fête du mouton pour se faire plein les poches, ont fini par être les agneaux du sacrifice. Les députés misaient sur La DPG pour régler ses comptes, il leur demande avec beaucoup d’espièglerie de régler d’abord leur intérieur. La presse elle, pour lui parler, perd son latin, …elle se tait 24heures. L’Abbé, lui, retrouve son latin. Mais « sa parole est dure. Qui peut l’entendre ? » Il lui consacre une homélie, en lui tournant le dos comme à l’ancienne et le sermonne sèchement dans un texte vainement savant mais surtout inutilement condescendant avec même quelques inopportunes et désagréables allusions salaces et railleuses. Le Christ s’est irrité, il s’est même fâché contre les marchands du temple, mais jamais il n’a raillé quelqu’un. La condescendance et la moquerie ne sont pas des vertus chrétiennes.

En réalité, la réaction excessive et musclée de Monsieur l’abbé, ne peut s’expliquer que par le ton inutilement comminatoire du premier ministre sur une thématique intelligemment voilée par le génie sénégalais depuis 2019 ; et il faut bien reconnaitre que le prêtre a parfaitement raison quand il dit : « on ne tance pas une institution en public, on ne parle pas à une institution sur le ton de la menace. » La preuve, cela a encouragé des plaisantins comme Tounkara à y voir du pain béni pour sortir leur morve et dérouler leur show insipide et surtout irrespectueux. Et puis, ces choses-là ne sont jamais aussi simples qu’on le dit. Et si demain une fille se présentait au Collège Jean 23 de Tambacounda avec une burka qui ne laisse apparaitre que ses yeux ? Elle devrait pouvoir être renvoyée selon le Professeur Makhtar Diouf qui nous apprend que la burka n’est pas une tenue musulmane mais plutôt Afghane. Mon fils n’ira donc pas à l’école, le pagne noué autour du cou comme Khrumah mais peut s’y rendre avec sa robe de confirmé. C’est le traditionnel qui est interdit pas le religieux. Le Professeur Diouf nous apprend aussi, invoquant Cheikh Anta, que dans l’Afrique ancienne, les femmes ne donnaient pas la main aux hommes ; Il aurait pu nous dire si elles s’asseyaient sur les mêmes nattes que les hommes dans les centres et sanctuaires d’initiation. Y étaient-elles admises ? Si oui que faisaient-elles de leur légendaire coiffure en y allant ?

J’espère juste que l’éminent Professeur ne fait pas partie de ces africains dont parlait Cheikh Anta Diop qui « croient pouvoir se contenter de flirter avec la culture Egyptienne ou de jeter de temps en temps un regard vers le passé pour s’en délecter » et s’en inspirer quand cela arrange leurs chapelles pour ne pas dire leurs factions. A vrai dire ils flirtent aussi avec l’œuvre de Cheikh Anta Diop qu’ils brandissent très souvent juste pour mener et même entrainer les populations dans de « faux combats où ils s’épuisent à faucher l’air à coups d’épées tranchants. »

Le Cheikh lui, convaincu que « la plupart des idées que nous baptisons étrangères ne sont en réalité que les images brouillées, renversées, modifiées, perfectionnées, des créations de nos ancêtres » exhortait plutôt les africains « à puiser en toute liberté dans l’héritage commun de l’humanité, en ne se laissant guider que par les notions d’utilité et d’efficience ». L’école sénégalaise doit s’inscrire dans cette perspective en refusant résolument de participer à l’essentialisation de nos enfants par la religion tout en consolidant la variété de l’offre éducative qu’autorise et promeut une république démocratique, laïque et sociale.

Le prosélytisme effréné et décomplexé qui sous-tend toute cette agitation perdra le monde. Le Sénégal y compris si l’on n’y prend garde.

En attendant, le mot est lâché. La laïcité. On en parlera, j’en suis sûr, très bientôt. Le professeur Makhtar Diouf et 2 de ses collègues haut perchés aujourd’hui, sont connus pour leur aversion de ce concept. Ces foucades autour du voile, n’annoncent-elles pas la Grande bataille ? On vous attend de pied ferme.

D’ici là, prions juste pour que « le Sénégal n’entre pas en tentation et qu’il soit délivré des factions »

Niaga Bacapa