
L’ancien ministre de la Justice Ismaïla Madior Fall fait l’objet d’une procédure de mise en accusation par l’Assemblée nationale, dans une affaire présumée de corruption. Un témoignage jugé accablant d’un entrepreneur, appuyé par le directeur des constructions des Palais de Justice, le place au cœur d’une gestion controversée des fonds publics. Face à cette chute spectaculaire, le sociologue et politiste Dr Abdou Khadre Sanoko analyse dans L’Observateur, le cas comme emblématique des dérives liées à l’entrée d’universitaires dans l’arène politique.
Pour Sanoko, il existe une incompatibilité fondamentale entre les exigences de la rigueur scientifique et les logiques de pouvoir. Selon lui, la politique impose des compromis qui érodent l’objectivité et la neutralité, valeurs essentielles à la démarche universitaire. Ismaïla Madior Fall, décrit comme un intellectuel brillant, aurait perdu cette distance critique en intégrant les cercles du pouvoir. L’affaire révèle ainsi non seulement les risques personnels pour l’universitaire engagé en politique, mais interroge aussi les tensions structurelles entre le champ scientifique et le champ partisan.
Selon Sanoko, il est fort probable qu’aujourd’hui, Ismaïla Madior Fall regrette d’avoir quitté le monde universitaire pour la sphère politique. Car désormais, ce ne sont plus ses écrits, ses réflexions juridiques ou sa notoriété scientifique qui retiennent l’attention, mais les accusations qui pèsent sur lui. L’image d’un intellectuel contraint de répondre devant la Haute Cour de justice marque un tournant tragique dans un parcours qui, sans cet engagement politique, aurait pu conserver une dimension exemplaire.
Au-delà du cas individuel, le chercheur appelle les universitaires à une prise de conscience collective. Il recommande de rester dans la « zone de confort » de la neutralité et de pratiquer une distanciation-décentration, afin de préserver l’objectivité du regard scientifique.
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