
Artisan de négociations avec les Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc), ouvertes en novembre 2012 à Cuba, ce dirigeant de centre droit de 62 ans, qui a annoncé l’ouverture de négociations avec l’Armée de libération nationale (ELN), l’autre rébellion en activité, aime marteler que «la paix ne s’improvise pas».
C’est même l’obsession d’une longue carrière politique dans ce pays en conflit depuis un demi-siècle.
«Ce dont la Colombie a le plus besoin, c’est de vivre en paix, cela fait 50 ans que nous nous entretuons entre frères», a-t-il lancé, appelant les guérilleros à «changer les balles par les votes».
Devancé au premier tour de la présidentielle, cet homme à l’allure simple a réussi à reprendre l’avantage au second, en résumant l’enjeu d’une formule simple: «la fin du conflit ou un conflit sans fin».
Détermination totale
Issu d’une grande famille de la politique et du journalisme – son grand oncle fut président et patron du quotidien El Tiempo -, Juan Manuel Santos a cumulé les ministères, du Commerce aux Finances, avant de s’imposer à la Défense comme l’un des pires bourreaux des Farc, sous la férule de son prédécesseur et ex-mentor, Alvaro Uribe.
A l’époque, sa détermination apparaît totale avec, en 2008, un raid contre un camp des Farc, qui aboutira à la mort de son numéro deux, Raul Reyes, et la libération de l’otage franco-colombienne Ingrid Betancourt.
Elu en 2010 au sommet de l’Etat, Juan Manuel Santos poursuit l’offensive avec l’élimination du chef militaire des Farc Jorge Briceño cette même année, puis son dirigeant suprême Alfonso Cano en 2011. Dans le même temps, son gouvernement établit déjà des contacts secrets avec la guérilla en vue de négociations.
Avant d’ouvrir ces pourparlers, son gouvernement a aussi impulsé une loi de réparation pour les victimes d’un conflit qui a fait plus de 220’000 morts et cinq millions de déplacés.
La paix comme objectif
«La paix est son objectif depuis le début de sa carrière. Il a fait la guerre comme un moyen pour y arriver: affaiblir les Farc pour les obliger à s’asseoir à la table du dialogue. Il sera très difficile de faire marche arrière après lui», confie son proche conseiller et beau-frère, Mauricio Rodriguez, qui décrit ce père de famille comme «un stratège, un homme très réfléchi et peu impulsif ou émotif».
L’adage préféré du président, qu’il se plaît à répéter selon ses proches, est la maxime du philosophe grec Sénèque: «Quand on ne sait pas vers quel port on se dirige, tous les vents sont défavorables».
Formé à la London School of Economist, ce libéral, qui a multiplié les traités de libre-échange avec les Etats-Unis, l’Europe et l’Asie, promeut aussi la paix comme le meilleur investissement pour la quatrième puissance d’Amérique latine, où le conflit coûterait, selon les experts, au moins un point de PIB.
Sur le plan international, Juan Manuel Santos s’est aussi démarqué en réclamant une nouvelle stratégie dans la lutte contre le trafic de cocaïne, dont son pays est le premier producteur mondial avec le Pérou.
«Politicien sophistiqué»
«Santos se voit comme un politicien sophistiqué, un peu la troisième voie à la Tony Blair, un politicien du premier monde alors que la Colombie est encore dans le tiers-monde», explique l’essayiste Maria Alejandra Villamizar, co-auteur de l’ouvrage «Les Soupirants», consacré à la présidentielle.
Son cap résolu vers la paix lui vaut la haine viscérale de ses anciens alliés conservateurs qui lui reprochent d’avoir dilapidé l’héritage de la guerre et profité du charisme de son prédécesseur, dont il est lui-même dépourvu. Devenu son plus féroce adversaire, Alvaro Uribe l’a accusé de «trahison à la patrie».
«Faire la guerre est plus facile que chercher la paix», rétorque Juan Manuel Santos, un slogan popularisé lors d’une intervention aux Nations unies. Fidèle à son pragmatisme, il a toutefois exclu tout cessez-le-feu avant un accord définitif.
(ats/Newsnet)