L’homme ne passe jamais inaperçu. Il s’impose par sa taille, 1m 89. Ibrahima Traoré est un homme positif et toujours jovial. Une jovialité souvent contagieuse. Discret et généreux, celui que certains tambacoundois appellent affectueusement « Tra » reste, plus que jamais, une mémoire de la Gouvernance de Tambacounda pour y avoir travaillé pendant 42 ans avec 19 gouverneurs. Le portail web alkuma.info et le bimensuel ALKUMA ont choisi de retracer la trajectoire de cet homme exceptionnel dont la vie est un bréviaire pour les générations actuelles et futures !
Vendredi ! Il est 18h à Tambacounda. A la Gouvernance, un policier est en train de procéder à la descente des couleurs. Marquant ainsi la fin de la journée de travail. C’est le moment choisi par Ibrahima Traoré pour s’entretenir avec un reporter du Groupe Alkuma. Le travail, au-delà d’être une passion, reste une seconde religion chez M. Traoré. Et son attachement à l’éthique ne souffre d’aucun doute. L’homme est courtois, simple et rigoureux. La famille est sacrée pour lui. Ce qui fait que tout le monde reconnait sa bonté légendaire. Tra est un homme bien.
La fin de l’année 1972 marque le début de sa présence à la Gouvernance de Tambacounda. C’était avec le Gouverneur Ibrahima Wone, ancien ministre de l’Intérieur. Ibrahima Traoré a été officiellement embauché le 30 juin 1973 comme secrétaire dactylographe. En ce moment, il occupait un bureau au rée-de-chaussée, celui qu’occupe actuellement le talentueux Chef du protocole du Gouverneur. En effet, il a fait aussi un bref passage au bureau du courrier. En 1982, M. Traoré est nommé Chef de Cabinet du Gouverneur. Et ce n’est qu’en 1988, qu’il devint en même temps le comptable-gestionnaire de la Gouvernance jusqu’à nos jours. Son bureau jouxte le secrétariat, non loin de celui du Gouverneur de région, au 1er étage.
Le travail d’un secrétaire dactylographe consistait, entre autres, à frapper/taper ou dans le langage moderne, saisir les courriers de départ et d’arrivée. Au début, M. Traoré travaillait avec une grosse machine ordinaire et par la suite, il y a eu les machines électriques fabriquées par IMB. Et il y a moins d’efforts à fournir pour frapper les textes. Pour pouvoir utiliser cette nouvelle machine, M. Traoré a suivi plusieurs sessions de renforcement de capacités à la maison IMB à Dakar. Mieux, il lui a été enseigné le dépannage et l’entretien.
Sa loyauté à 19 Gouverneurs
Ibrahima Traoré a travaillé avec 19 gouverneurs à Tambacounda. « Travailler avec ses différents gouverneurs m’a fait aimer le commandement territorial. Les autorités administratives étant les représentants du président de la République et du gouvernement sont là pour coordonner l’action gouvernementale pour le développement socio-économique de nos terroirs. Un gouverneur a une tâche difficile car il n’est pas facile de représenter le président et les ministres dans les différents secteurs d’activités. Il n’est pas facile non plus d’être leur premier collaborateur. Dieu merci, nous avons toujours eu beaucoup de satisfaction en travaillant à leurs côtés », affirme Tra.
Il se rappelle avoir eu une seule bisbille voire une prise de gueule avec un gouverneur du fait que ce dernier, revenu d’une mission à 2h du matin, l’a fait venir au bureau pour travailler sur un dossier urgent. M. Traoré a accusé quelques minutes de retard avec le chauffeur et le gouverneur s’est énervé. Il s’en est suivi un accrochage entre eux. Même si tout est entré dans l’ordre après et, ils ont travaillé jusqu’à 8h du matin. Ibrahima Traoré soutient avoir participé à toutes les tournées économiques des différents gouverneurs et il lui arrive d’être interprète dans certaines zones. Il a visité tous les villages du Sénégal Oriental (Kédougou et Tambacounda) pendant ses 42 ans de services à la Gouvernance. Et ses tournées duraient au minimum 8 jours pendant lesquelles le gouverneur est absent de son bureau. Il faisait cette tournée économique avec les Préfets et quelques chefs de services techniques. Il leur arrivait de passer la nuit dans des villages.
Tra raconte une anecdote. « Je me rappelle, un jour nous avons passé la nuit dans un campement de chasse à Sadatou dans l’actuel département de Goudiry, arrondissement de Dianké Makhan. En pleine nuit, il y a eu une violente tornade qui a emporté la toiture de toutes les cases du campement sauf la mienne. Finalement, tout le monde s’est retrouvé dans ma case et nous y avons passé une nuit blanche car il n’y avait plus d’espace pour dormir. Et tout le monde disait, y compris le gouverneur lui-même, que je suis un Saint homme, un homme béni », se souvient-il, tout souriant. Ce gouverneur était, feu Bocar Diallo (paix à son âme). Il était à Tambacounda entre 1988 et 1990. M. Traoré soutient avoir représenté aussi l’autorité dans plusieurs rencontres nationales et internationales comme à la SAFRA ou la TRIPARTITE. Il rappelle que le seul gouverneur avec qui il a cheminé comme Adjoint au développement (AD), Chargé des Affaires administratives (AA), Préfet de Tambacounda et Gouverneur de région à Tambacounda reste son actuel patron, M. Gabriel Ndiaye qui a assisté à son départ à la retraite. Ce qui fait que ces deux hommes sont très liés.
Etre un commis de l’Etat
Depuis le 07 février 2013, Ibrahima Traoré a droit à une pension de retraite mais le Gouverneur M. Gabriel Ndiaye l’a maintenu au poste, le temps de lui trouver un remplaçant. Entre 1983 et 1988, Tra a été l’homme à tout faire à la Gouvernance de Tambacounda avec le Gouverneur Dial Diop (paix à son âme). Ce dernier qui n’avait pas d’adjoints, utilisait M. Traoré comme adjoint chargé des affaires administratives. Ce qui lui a permis d’apprendre beaucoup de choses notamment, la rédaction de courriers administratifs.
Mieux, le discipliné et dévoué collaborateur des Gouverneurs a failli intégrer le commandement territorial après la création de l’arrondissement de Kéniéba autrefois très enclavé, comme Sous-préfet. C’était avec le Gouverneur feu Ahmed El Bécaye Seck, 1992-1993. D’ailleurs, la roulette servant de bureau et de logement du Sous-préfet y a été acheminée par le « Sous-préfet » (le temps d’une rose) Ibrahima Traoré, un homme élégant qui soigne toujours sa mise, pour parler comme l’autre. Il reste un exemple pour les jeunes fonctionnaires de l’Etat.
Notre interlocuteur affirme que pour être un bon commis de l’Etat que lui a servi officiellement pendant 40 ans, il faut d’abord aimer son métier, être loyal envers ses supérieurs hiérarchiques, beaucoup travailler avec en bandoulière la discrétion totale, la disponibilité, ne pas mettre en avant les questions pécuniaires. Bref, selon Tra, il faut être tout simplement un REPUBLICAIN et l’incarner en tout lieu et en toute circonstance. Et c’est pourquoi, M. Traoré est Chevalier, Officier et Commandeur de l’Ordre du Mérite. Il est aussi Chevalier de l’Ordre National du Lion. Donnons la parole à celui sous l’ordre de qui il travaille. Lisez ce bel témoignage du Gouverneur M. Gabriel Ndiaye à l’endroit de M. Ibrahima Traoré. « C’est un homme que j’ai trouvé ici en 1991 comme AD (Adjoint au Développement). 2 ans après, je suis devenu AA (Affaires administratives). Ibrahima Traoré est un homme humble, disponible, qui a un sens élevé des relations humaines et reste loyal à toutes épreuves. L’autre qualité exceptionnelle de M. Traoré, est sa discrétion. Il est aussi un bourreau du travail ». Gabriel Ndiaye continue en soulignant qu’après 40 ans de présence officielle dans cette Gouvernance, Ibrahima Traoré reste une icône de cette institution. Et, c’est la mémoire de la Gouvernance de Tambacounda (cette phrase choc du Gouverneur est retenue pour la titraille de cet article. Qu’il en soit remercié même si, au besoin, il peut réclamer un droit d’auteur. Ça peut lui apporter quelques billets de nos pauvres F CFA). « Il a rempli parfaitement sa mission et malgré ça, il continue à nous accompagner et de façon bénévole, car il n’a plus de salaire ici. Ces conseils sont précieux pour moi et c’est quelqu’un d’entier. Je tenais vraiment à dire cela car je l’ai côtoyé pendant mes trois séjours. Ce qui reste, c’est de prier pour lui. Et je lui souhaite une longue vie », dit M. Ndiaye. Quel témoignage sincère et émouvant.
Carrière sportive
Le portrait pouvait s’arrêter là. Mais, il se trouve que notre héros a plusieurs arcs autour de son coup. Avons-nous le droit d’écrire ce texte sur la trajectoire exceptionnelle de Tra sans parler de sa carrière sportive ? Le lecteur a déjà la réponse. Et à ce niveau aussi, il reste un ambassadeur de Tambacounda. C’est en fréquentant le Centre de formation (actuel CDEPS) en dactylographie que M. Traoré s’est retrouvé dans le milieu sportif. Il a commencé par le tennis de table, la pétanque, le basketball, le volleyball, (il est entraineur de 1er degrés), pour terminer en football comme arbitre de District en 1975. Trois ans après, il est arbitre de Ligue et 3 ans encore, il est arbitre fédéral. Ce n’est qu’en 1995, qu’il est devenu arbitre international avant de prendre sa retraite dans cette discipline en 1999 date à laquelle, il a fait un stage de formation d’instructeur de la CAF au Caire (Egytpe) où il obtint le Diplôme d’Instructeur en arbitrage de football. Vers la fin de l’année 1999 et début 2000, il est élu président de la Ligue régionale de football de Tambacounda.
Un ambassadeur de Tambacounda au plan sportif
Et en 2009, Monsieur Traoré est consacré président du Collège des présidents de Ligue et 3ème Vice-président de la Fédération Sénégalaise de football et président de la Commission éthique et Fair Play de cette institution, étant membre du Comité exécutif fédéral. Ha ! L’on comprend maintenant pourquoi, tout ce beau monde à Tambacounda et ailleurs l’appelle « Président ». Très attaché aux valeurs plutôt qu’aux privilèges et honneurs, le président Traoré a démissionné de la FSF après la douloureuse et honteuse défaite des « Lions de la Téranga » face aux « Eléphants de la Côte d’Ivoire » lors des éliminatoires couplées Mondial-Coupe d’Afrique 2010.
Conseiller municipal
Marié, polygame (trois épouses) et père plusieurs bouts de bois de Dieu, Ibrahima Traoré est un natif de Tambacounda plus précisément au quartier Pont où il réside toujours. Sa 3ème épouse est l’assistante du Gouverneur. Actif dans la société civile, aux élections locales de 2009, il a été investi par le parti au pouvoir d’alors, le PDS pour mettre fin au règne de l’ancien dinosaure socialiste, le Maire Souty Touré et devenir un Conseiller municipal. Cependant, il se réclame toujours de la société civile.
Pour les prochaines locales, le président Traoré souhaite être sur une liste pour continuer de service sa ville natale d’autant plus qu’il a plus de temps maintenant. N’ayant pas été un Conseiller municipal très impliqué dans la gestion de l’actuelle équipe à cause de ses tâches administratives à la Gouvernance, il avoue qu’il ne dispose pas non plus de tous les éléments d’information nécessaires ou indispensables pour apprécier le bilan du Maire, M. Oury Ba.
« Un responsable doit tenir des propos responsables », confesse-t-il. Avant d’ajouter que pour bâtir une ville de Tambacounda de nos rêves, il faut impérativement une union des cœurs et des esprits. Qui dirait mieux !
Par M. DANGNOKHO / alkuma.info /