FRANCE: «Ils me disaient ‘Démon, sors de ce corps’»

«Ils me disaient ‘Démon, sors de ce corps’» : Antoinette a raconté lundi 3 novembre à Bobigny sa semaine de «douleurs», ligotée sur un matelas sans manger, lors du procès en appel de quatre membres d’un mouvement évangélique qui voulaient l’exorciser.

En chemise grise et pantalon noir, la jeune femme pulpeuse au visage enfantin, aujourd’hui âgée de 22 ans, a retracé devant la cour d’assises de Seine-Saint-Denis sa rencontre avec l’Église adventiste du septième jour, qui l’a conduite à une rupture familiale et à son installation avec l’un de ses membres.

«Intéressée par le divin» et à la «recherche de Dieu», Antoinette, 16 ans à l’époque, se rapproche de ce mouvement évangélique d’environ 13’000 membres en France puis fait la rencontre d’Éric, un de ses adeptes. «Il me disait que Dieu lui parlait et que j’étais quelqu’un de spécial. Il avait beaucoup de charisme, je lui ai fait confiance», a-t-elle témoigné d’une voix douce.

 «Femmes, soyez soumises à vos maris comme à Dieu»

Très vite, elle s’installe chez celui qu’elle considérait comme «un prophète». Avec la mère d’Éric et deux amis, tous accusés, le couple vit dans un appartement de la cité de la Grande Borne à Grigny (Essonne), devenu une salle de prière, comme un groupe en autarcie.

«On s’entendait bien, mais je ne pouvais pas trop sortir. Éric avait fait sien un verset : ‘Femmes, soyez soumises à vos maris comme à Dieu’ et c’était source de conflit, ça me révoltait», a-t-elle poursuivi.

Un soir de mai 2011, prenant «peur» en pensant voir chez elle les symptômes d’une manifestation diabolique, son compagnon, aidé de ses colocataires, la porte dans le salon et l’attache à un matelas posé à-même le sol. Pendant une semaine, Antoinette restera dans la position du Christ en croix sans manger, en buvant à peine et avec du scotch sur les yeux. Et pour les besoins, «c’était directement sur le matelas», dit-elle.

Un état de faiblesse et de maigreur extrêmes

«J’ai vite compris qu’ils voulaient m’exorciser. Ils récitaient des psaumes à longueur de journée, me disaient ‘Démon, sors de ce corps’» et parfois l’un d’eux me serrait très fort la tête entre ses jambes ou sur le matelas pour que quelque chose en sorte«, s’est-elle souvenue.

Quand elle est découverte par des policiers, alertés par ses parents, elle se trouve dans un état de faiblesse et de maigreur extrêmes.

Aux avocats de la défense, qui lui rappellent qu’elle a tenu des propos incohérents et notamment déclaré au juge qu’elle avait »mangé une page de la Bible pour guérir«, elle répondra : »J’ai évolué, je ne crois plus en les mêmes choses aujourd’hui.«

«Je n’étais pas possédée. Mais à un moment j’ai pété les plombs, ils ne se rendaient pas compte qu’ils me faisaient du mal. Je ne comprenais pas pourquoi mon compagnon ne m’aidait pas», a-t-elle reconnu.

Convaincus que leur victime était possédée par le diable

Assis dans le box des accusés, le jeune homme, large d’épaules et vêtu d’un t-shirt blanc, ne vacille pas.

Tout au long du procès en première instance, les quatre accusés, trois hommes et une femme, tous originaires des Antilles, avaient répété avoir agi pour son bien et être convaincus que leur victime était possédée par le diable.

Ils encourent la prison à vie

Rejugés pour »arrestation, enlèvement, séquestration ou détention arbitraire avec torture ou acte de barbarie«, ils encourent la réclusion criminelle à perpétuité.

En première instance, la cour d’assises de l’Essonne n’avait pas retenu le chef d’accusation d’actes de torture ou de barbarie et ils avaient été condamnés à des peines allant de 3 à 6 ans d’emprisonnement, inférieures aux réquisitions du parquet.

Le procès doit durer jusqu’à vendredi.

(afp/Newsnet)