L’opposition ukrainienne restait résolue à continuer «la lutte» dimanche et les manifestants ont pris possession du ministère de la Justice à Kiev. Elle juge insuffisantes les concessions sans précédent annoncées par le président Viktor Ianoukovitch pour tenter de régler la crise politique. Plusieurs dizaines de manifestants ont pris le contrôle du ministère de la Justice dimanche soir dans le centre de Kiev, a constaté un journaliste sur place. Aucun représentant des forces de l’ordre n’était présent sur les lieux et les contestataires ont eux immédiatement commencé à ériger des barricades autour du bâtiment en se servant de bennes à ordures.
Camp retranché
Les manifestants et badauds n’étaient auparavant que quelques milliers réunis par -10 degrés dimanche après-midi sur la place de l’Indépendance. Depuis deux mois, le site s’est transformé en camp retranché, hérissé de barricades. Il reste le haut lieu de la contestation dans la capitale. Des affrontements avaient éclaté dans la nuit de samedi à dimanche entre les forces de l’ordre et des milliers de manifestants. Les protestataires ont érigé des barricades autour d’un centre culturel qu’occupent plusieurs centaines de policiers. Ils ont lancé des pierres sur les forces de l’ordre, qui ont répliqué à coups de grenades assourdissantes et de jets d’eau. Après deux heures de confrontation, un des chefs de file de la contestation, Vitali Klitschko, est venu négocier une solution. Les policiers encerclés ont pu quitter les lieux.
Coup de théâtre
Cet incident est intervenu après que l’opposition a rejeté l’offre de Viktor Ianoukovitch. Le président a provoqué un coup de théâtre samedi soir en demandant à deux de ses principaux opposants de diriger le gouvernement. Il a proposé le poste de Premier ministre à Arseni Iatseniouk, ancien ministre de l’Economie, et celui de vice-Premier ministre à Vitali Klitschko, l’ancien boxeur qui préside le parti libéral Udar.
«Cadeau empoisonné»
«Il s’agit d’un cadeau empoisonné (…) afin de diviser notre mouvement», a déclaré Vitali Klitschko dès samedi soir. Les chefs de file de la contestation réclament l’organisation d’élections anticipées dès cette année et non en 2015 comme elles sont prévues. «La lutte continue», a lancé l’opposant nationaliste Oleg Tiagnybok devant les dizaines de milliers de personnes réunies samedi soir sur la place de l’Indépendance. Arséni Iatséniouk s’est lui dit «prêt à prendre ses responsabilités», mais a ajouté ne «pas croire un mot» de ce que dit le pouvoir. «Nous n’allons pas bouger», a martelé le leader du parti Baktivchtchina de l’opposante emprisonnée Ioulia Timochenko. Parallèlement, des milliers de personnes ont participé en la cathédrale Saint-Michel aux funérailles d’un jeune contestataire biélorusse tué lors de récents affrontements avec la police. Les principaux dirigeants de l’opposition ont assisté à la cérémonie.
Réviser la Constitution
La main tendue du président ukrainien à l’opposition est intervenue au terme d’une semaine marquée par des violences à Kiev et par une intensification de la contestation dans les régions. Le bilan officiel des affrontements de ces derniers jours est de trois tués, mais les contestataires affirment que six des leurs ont été tués. Au total, l’administration régionale est désormais bloquée dans 14 des 25 provinces par les contestataires. Pour tenter de sortir de la crise politique, le chef de l’Etat a également accepté le lancement d’un groupe de travail chargé de réviser la Constitution. Le cas échéant, cette mesure doit diminuer les pouvoirs du président afin d’accroître les prérogatives du gouvernement. L’opposition souhaite un retour à la Constitution de 2004, adoptée après la Révolution orange. Elle avait doté l’Ukraine, ancienne république soviétique, d’un régime parlementaire, avec un puissant Premier ministre. La Constitution avait plus tard été révisée, donnant cette fois l’essentiel du pouvoir au président.
Appels au dialogue
L’opposition est mobilisée depuis le refus de Viktor Ianoukovitch fin novembre de signer un accord avec l’Union européenne, lui préférant un rapprochement avec la Russie. Les appels au dialogue en direction du président Viktor Ianoukovitch se sont multipliés ces derniers jours, notamment de la part des pays européens. La cheffe de la diplomatie européenne Catherine Ashton est attendue à Kiev jeudi et vendredi.
(ats/Newsnet)